La nuit
La nuit a glissé sur la ville.
Tout doucement, sans faire de bruit.
Elle l’a enveloppée d’un halo doré, moelleux comme un baiser.
Elle a allumé les réverbères, les lampadaires, les néons, les enseignes, les vitrines.
Elle a lustré les avenues, les boulevards.
Elle a mis du velours dans les yeux de ceux qui déambulent entre ses bras immenses,
Et elle les a enivrés, simplement enivrés.
La nuit a glissé sur la ville
Tout doucement, sans faire de bruit.
Elle lui a soufflé un air de fête, mezzo voce,
Clarinette et bandonéon,
Et l’a fait rire, dans les théâtres et les cafés.
Elle a versé des bulles dans les yeux des joyeux noctambules qui dansent entre ses bras immenses.
Et elle les a embobinés, complètement embobinés.
La nuit a glissé sur la ville,
Bas de velours et des lumières à chaque doigt.
Mais moi, je me suis mise à trembler sous la lune couchée.
La nuit s’est mise à chalouper dans les rues de la ville, fourreau de soie et catogan de ténèbres.
Mais moi, je me suis mise à gémir sous les étoiles mouchées.
La nuit s’est mise à courir, à sauter, à danser sur les murs de la ville, pattes de chat, gestes de pantomime, dentelles sous la fourrure brillantinée.
Mais moi je me suis mise à hurler sous le ciel trop obscur.
La nuit s’est approchée, museau poudré, rire humide, voix d’outre-rêve, claire pourtant, les yeux pailletés d’un brin de cruauté.
Et moi, je me suis retirée, loin, au-dedans de moi-même.
Elle a tendu vers moi ses griffes de lumière, a touché mon cœur qui palpitait encore, a déchiré d’un coup mon costume de monstre. Et puis elle est partie.
Elle a repris sa route, bas de résilles et gants de soie, les dentelles défaites, le sourire enjôleur, la belle, montrant ses épaules d’aurore.