Plumes rebelles - Café littéraire "Madagascar, 1947", 3 février 2008 à Rennes
Madagascar, 1947, un livre de Jean-Luc Raharimanana.
Un épisode de l'histoire franco-malgache que je ne connais pas, ou peu. Souvenir de mon grand-père Charles Raoninarivo en larmes le 29 mars de chaque année ; larmes bouleversantes pour la petite fille que j'étais, venant d'un homme si grand, si fort. Souvenir du seul récit que j'en ai entendu : séjour en prison, parmi les rats ; les rats, concurrents des maigres gamelles, les rats prédateurs des maigres prisonniers, les rats, terreur des hommes qui se relayaient pour monter la garde et ne pas se faire bouffer.
Café littéraire avec Jean-Luc Raharimanana, puis lecture de son livre, pour en savoir plus. Que savoir de plus ? Bataille sur le chiffre des morts, jamais recensés : 10 000 à 30 000 pour l'ancienne métropole, 100 000 à 300 000 pour l'ancienne colonie. Bataille sur le terme employé pour parler de 1947 : pacification pour l'une, insurrection pour l'autre... Et puis ? Le nombre de tués pour légitimer la définition de ce qui s'est passé : pacification d'une population turbulente, ou insurrection d'un peuple colonisé ? Et puis ? Le nombre de tués pour légitimer l'importance accordée à ce qui s'est passé : un détail dans l'histoire de France, un gouffre dans la mémoire malgache ? Et puis ?
Je reste sur mes questions, une boule au ventre. Un gouffre de mémoire, c'est peuplé de fantômes, c'est peuplé de rumeurs, c'est peuplé de terreurs. Je repense à mon grand-père, Dadabé Charles Raoninarivo, qui avait peur de mourir la nuit, alors, la nuit il veillait, et le jour il dormait. Qui veillait-il ? Dites, qui veillait-il ? ou bien montait-il la garde encore une fois ? Les grouffres de mémoire, ça doit être plein de rats...
Café littéraire + lecture du livre = je n'en sais pas plus. J'ai une boule au ventre, donc, et un gouffre qui s'est ouvert dans mon dos. Y descendrai-je ?